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Flaviano Pisanelli
 
 
« Une fable. Une fable en mouvements. Et la lire, c’est la tête allée vers avec l’infini. Pas de contours. Pas de dehors. Rien qu’un rythme, des rythmes, une ondée d’espace. Ce porte vers un point de vue : il ne donne que sur Voir. Et Saisir. »

B. Noël



« Felice chi è diverso Essendo egli diverso. Ma guai a chi è diverso Essendo egli comune. »

S. Penna
 



 
D’AUTRES SOLITUDES

 
« C’est fini la mer
c’est fini
sur la plage de sable belle
comme des moutons d’infini »

L. Ferré

je ne crois plus aux images
dont mes yeux me parlent
à ce temps
rumeur indistincte de couloir

je ne vois plus la mer monter
contre la plage sèche
fiévreuse

je ne touche plus à cette douleur
qui coule sur la mémoire lunaire
d’un disque percé de partout

ni à cet espace :
un alphabet sans signes
pierres mortes

je me lève
je mange
je bois je pisse
d’une urine sans rêves
je n’ai que ce corps froid
errant
lieu d’une autre solitude

les couleurs des aubes provençales
je les crie à pleins poumons

aucun jugement aucune pensée

mon souffle crache sans arrêt
toute idée tout événement
ma lucidité même
imbécile et médiocre
qui jouit de ses propres conquêtes

tu te lèves tu manges
tu bois tu penses
cette habitude déguisée en Pierrot
pleurant ses peines

je vous parle d’une autre solitude
d’une voix qui survit
aucun oubli aucun sommeil
pas de corps pas de mémoire
on la voit nulle part
on la voit partout
cette image figée
diaphane
sans violence

je ne côtoie que ma peine
je le répète
avec ma colère impure
je renie ma naissance et ma jouissance

je vous parle d’une autre solitude :
celle de la méduse
qui dans son corps contemple le vide

et disparaît.

 



 
LA MUTA



Tramonta la tua mano
sul corpo inodoroso
di brina
– e memoria –

gli occhi albeggiano
una visione non mia
ala danza lampo
ferma sulle porte d’Oriente.

Trasmuta il cuore
in un volo di gesso
– marmo immemore
crosta disseccata –

corpo masticato
dal silenzio di una bocca
infetta di sillabe
e domani.

La condanna al non-dolore
alla non-vita che resiste.

 



 
ORA DEL VOLO




Tout d’abord la nuit
faiblissant sa puissance
de jour en lune
et rythmer les lumières
d’une vie oubliée

E il mondo incapace
di avere altro mondo


Tout d’abord ma naissance
parenthèse du temps :
douleur et raison
prisonnières du jadis

E il mondo incapace
di dire altro mondo


Tout d’abord le blanc
mémoire déracinée
dans le désert de naguère
sourd aux fibres
des harpes-fossiles

E il mondo incapace
di sfiorare altro mondo


Après tout mes yeux
ressortissant immortels
du centre du monde

Questo mondo incapace
di ascoltare altro mondo


– ora del volo –

 


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