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VIRGINIE GASQUET, étudiante en deuxième année de Droit à l'Université d'Avignon. Elle s'est impliquée concrètement dans l'écriture poétique depuis 1998.




L'alcool
(version initiale)


A ta vue, l'œil pétille et la joue se rougit.
Tes affres sous-jacents ils les savent par cœur.
Si sur un pied descend ton aimable liqueur,
Ceux- ci y goûteront à y perdre la vie.

Dans leur gorge tu coules, et leur vie tu remplis
Du philtre d'un amour aux plus basses odeurs.
Et, qu'ils reconnaissent à ta traître saveur
Qui les prédestinent à des lèvres bleuies.

Et qu'importe est le prix tant qu'il y a bien être !
Ses démons de la nuit que tout fait disparaître
Derrière un mur haineux sur lequel ils s'accoudent,

Pour qu'aucune parole et qu'aucun geste puissent
Les sortir d'un doux rêve où la vérité sourde,
Ecraserait leur os sans qui les alcools crissent.




Alcool
(version finale)


A sa vue, l'œil pétille et la joue se rougit.
Ses affres sous-jacents ils les savent par cœur.
Si sur un pied descend sa sournoise liqueur,
Ceux- ci y goûteront à y perdre la vie.

Le sablier s'écoule, et il remplit leurs vies
De déboires amères aux plus basses odeurs.
Et, qu'ils reconnaissent à leurs traîtres saveurs
Les prédestinant tous à des langues bleuies.

Et qu'importe le prix tant qu'il y a bien être !
Les multiples Janus on les fait disparaître
Derrière un mur haineux, sans écoute et sans fin.

Qu'ils soient prêtres-amoureux, ouvriers ou artistes,
Leur dessein est gravé sur un flacon d'airain :
Eviter cette nuit le goût des alcools tristes.




Nouvelle vague


Fracassé par le vent contre la grève amère
la coque emplie de rêves explosa sous le choc
un bras lourd projeta le squelette en enfer
mais le vers de la vie résista tel un roc

loin des verbes-pensants les idées engourdies
par un troublant voyage aux yeux salés de mort
pour la première fois, l'œil entrouvre ma vie
celui de la Pythie effeuilla mes remords

le sable sous mes pieds m'empêcha tout retour
dessinant à grands pas les ravages du temps
en fuite j'ai compris que mes sombres détours
avaient plus que la mer enterré mon gréement

les cieux remplis d'esquifs et le cœur chaviré
je me laissai bercer dans une coque en sapin
résolu d'extirper cette peau tiraillée
par le sel et l'espoir ? d'un aveuglant matin




Couleurs



Rouge était le courant que nous descendions
ensemble et loin de vous nous partagions un monde
perché ou immergé pourvu qu'il se féconde
de silencieux plaisirs et de cris de prison.

Je vois un avenir blanc, brillant et brûlant.
Un de ces vains étés qui vous brûlent les sens.
Je vois des ouragans car amour et souffrance
sont les piliers d'un temple où je vais en dormant.

La dernière blancheur sera celle de nos peaux
se frôlant, étendues comme au tout premier jour.
Mais plongées dans un noir et lugubre tombeau
avalant tout l'espace et recrachant l'amour.




(extrait du poème
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent
(Les Châtiments)
de Victor Hugo)



Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime,
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche,
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
(…)
Oh non, je ne suis pas de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires.
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !



 

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